18h05
Le
driver doit arriver d'une minute à l'autre…
19h45 On attend toujours la jeep
20h15 On attend toujours la jeep
Voilà comme
ça commence. Nous faisons nos sacs à tour de rôle car la petite chambre est
trop remplie de ses 8 lits et de nos affaires pour pouvoir contenir plus d'une
personne active à la fois. Le driver est attendu entre 18h et 20h.
De temps en
temps, l'une de nous descend pour guetter l'arrivée du driver que Jill nous
envoie. Nous jetons aussi des coups d'œil par la fenêtre. Nous finissons par descendre toutes les cinq,
et assises sur le trottoir nous chantons. Les spéculations vont bon train : Quelle
taille pour la jeep ? Chauffeur taciturne ? Chauffeur mignon ? Aurore parie sur
la présence de ceinture dans la jeep. Alice, Marine et Julie parient contre.
Par solidarité, je m'engage du côté d'Aurore. C'est un sacrifice très noble de
ma part, car l'enjeu est de taille : les paquets de peanuts Korean Air dans
l'avion du retour.
Nous
frémissons à chaque fois que passe une jeep (et c'est souvent), mais aucune ne
s'arrête pour nous.
Nous avons
faim, mais le driver peut surgir à tout moment. Nous ne voulons pas entamer nos
provisions prévues pour les en-cas voyage (deux paquets de casse-croûtes, des
barres de céréales et de l'eau) Que faire ? Claire et Marine sont dépêchées
pour aller trouver quelque chose au State Department Store, tout proche. Elles
reviennent vivement avec une brioche et des bananes.
Nous
mangeons. Le driver n'arrive pas.
Il se met à
pleuvoir. Nous remontons, penaudes, dans notre chambre, et attendons. Nous n'en
avons pas encore l'habitude, mais ça viendra.
A quelle
heure faudra t'il commencer à paniquer ?
Le type de
la guest house a eu notre driver au téléphone. Il sera bientôt là, paraît-il,
préparons nous !
Vers 21h30,
ça y est, le type nous annonce que notre chauffeur est garé en bas. Panique à
bord, nous nous jetons sur nos sacs, mais ils sont bien trop nombreux pour tout
embarquer en un seul voyage, d'autant que nous emmenons quatre cartons pour
Jill de la part de ses amis, et deux concombres.
Nous
sortons, chargées de ce que nous avons pu prendre. Il pleut. Nous nous pressons
et découvrons que notre jeep est petite et vieille et qu'il y a déjà des gens
et des choses dedans. Pas de panique. Deux jeunes hommes s'emploient à faire
rentrer nos affaires dans le coffre. Je ne vois pas bien, mais ils ont l'air
plutôt mignons que taciturnes. C'est déjà une bonne chose.
"Djidjik,
djidjik ?" disent-ils. Je sais déjà grâce à Aurore que "djidjik"
signifie petit. Ils veulent que nos leurs donnions des petits sacs à mettre
dans le coffre. Sauf que nos petits sacs, nous voulons les garder avec nous
dans la voiture ! Il y a tout un tas de choses indispensables dedans ! Ils
peuvent prendre les cartons de Jill, et ses concombres…
Nous
faisons des allers-retours en courant entre la chambre et la jeep, et la pluie
nous trempe. Enfin, le coffre est rempli et nous pouvons nous entasser à
l'arrière de la jeep. Marine monte sur mes genoux et nous sommes à cinq sur
trois sièges.
"Driver
is the big boss" nous a dit Bob en nous remettant ses paquets pour Jill…
Il ne faut pas faire d'impair, c'est le chauffeur qui décide de tous et si on
l'embête ça peut mal tourner. C'est un peu stressant.
Ni le
driver, ni le passager ne parlent anglais.
Très vite,
nous nous arrêtons à une station d'essence. Le driver nous demande de l'argent.
Il compte cinq sur ses doigts. Nous n'y comprenons rien. Alice m'ordonne de lui
donner 5000 tugriks, mais j'hésite. Il me semble que c'est trop d'argent. J'apprendrai
plus tard que je me suis lourdement méprise sur le prix du voyage. Alice rira
éternellement de moi pour ça.
Je finis
par compter les 5000 et Alice les lui donne, excédée. Il n'a pas l'air ravi. Il
redémarre.
Nous sommes
un peu éberluées. La communication s'annonce difficile… Le passager nous fait
toutes sortes de gestes que certaines interprétons ainsi : il doit descendre
dans deux heures, et dans trois heures nous pourrons dormir. Ca paraît un peu
étrange tout de même.
Nous
quittons les grandes rues de la capitale et nous retrouvons dans une banlieue
mal éclairée. Là, nous nous arrêtons et notre jeep est entourée par des gens.
Le chauffeur nous annonce qu'ils vont monter dans la voiture. Nous protestons
énergiquement ! Jill nous avait dit que nous ne serions que cinq, plus le
chauffeur. Nous exigeons de l'avoir au téléphone. Notre driver n'ai pas l'air
de réussir à la joindre.
En fait, il
n'a plus de crédit… il emprunte un téléphone et nous passe enfin Jill. Comme
toujours, c'est à Julie que nous confions la communication. Elle lui explique
la situation, et Jill lui explique longuement quelque chose, avant de demander
à parler au driver. Elle nous dit qu'il est prévu que nous payions 80 mille
tugriks et que nous ne soyons que cinq. Et que s'il prend d'autres passagers,
nous ne devrons payer que 60 mille.
Sauf que
nous ne voulons vraiment pas d'autres passager, même à prix réduit... nous
sommes déjà bien assez serrées !
Au
téléphone, le chauffeur ne fait qu'acquiescer au sermon de Jill. Puis il nous repasse le téléphone.
"I told him that I know his mother and I know his father, he has to do the
right thing. But if he takes somebody, you only pay 60 000 tugriks. Listent
to me Julie, don't talk to your friends." Elle parle longtemps et fort et se
répète, mais nous sommes soulagées de pouvoir compter sur elle. Elle nous dit
qu'il peut prendre une personne, comme copilote, comme les drivers le font
parfois, auquel cas nous n'avons pas à protester.
Le driver
hésite. Il a sans doute promis a ces gens qu'il les emmènerait, mais il a passé
un contrat avec Jill… Il semble se décider pour la version "do the right
thing", mais il est confronté à une fille très tenace qui veut absolument
monter dans la jeep.
Finalement,
il essaie de nous expliquer quelque chose à propos du prix… Nous lui donnons le
petit carnet d'Aurore et un stylo, et il nous écrit :
395000,
puis 1. 80, 000
400,000 5
Il veut
nous faire payer 80 000 tugriks par personne, soit 400 000. Nous sommes
estomaquées… Jill n'a jamais précisé "80 000 each", nous croyons donc
qu'il nous faut payer 80 000 en tout.
Nous nous
révoltons, mais il insiste :
1:
80,000
Nous
employons les grands moyens : Aurore dessine un bonhomme représentant Jill,
avec une bulle disant :
5:
80,000 T
Le driver,
tentant de se mettre à notre niveau, dessine à son tour un bonhomme, accompagné
d'une multiplication :
80,000
x 5
--------
400,000
Diantre.
Nous
demandons à rappeler Jill. Il ressort de l'échange que nous devons bel et bien
payer 400 000 tugriks. C'est beaucoup plus que ce que nous pensions, nous
pestons un peu, mais soit.
Bon,
maintenant il veut être payé. Mais nous sommes méfiantes : ne va-t-il pas faire
monter les gens une fois qu'il aura eu tout l'argent. D'un autre côté, nous ne
voulons pas trop le froisser : et s'il nous abandonnait dans cette banlieue
sordide ?
Nous
prenons la décision de lui payer une personne maintenant, et les autres une
fois que nous aurons quitté la ville, et lui en faisons part par gestes et à
l'aide du vocabulaire mongol d'Aurore. [Ou deux maintenant et trois plus tard ?
J'ai un peu oublié]
Il est
d'accord. Nous payons et il démarre, mais la fille tenace semble lui en vouloir
et râle. Il descend pour s'entretenir avec elle. Certaines prétendent qu'il
s'agit de sa petite amie. Nous ne le saurons jamais. En tout cas, j'ai eu le
temps de m'apercevoir que nous avions bel et bien un jeune et beau chauffeur.
Nous
quittons enfin ce quartier noir et boueux (car il pleut toujours) et nous
dirigeons vers une autre station d'essence. Là, nous faisons le plein, mais
avons un instant d'inquiétude… d'autres personnes entourent à nouveau notre
jeep. Ca n'en finira donc jamais ? Est-ce qu'ils veulent monter eux aussi ?
Le passager
descend enfin. Chouette, Marine peut passer devant et nous sommes un peu moins
serrées !
Le driver
veut le reste de l'argent. Nous hésitons… va-t-il faire monter ces personnes ?
Nous
décidons finalement de payer, mais trop tard, il a déjà dégainé un téléphone
pour appeler Jill, et le passe à Julie. La pauvre s'empêtre dans une discussion
à sens plutôt unique… nous devons faire ce qu'il nous dit, et Jill nous
conseille de donner aux gens des bonbons. Dociles, nous obtempérons, et nous
séparons du paquet de bonbons qu'Aurore avait trouvé abandonné dans un caddie
au State Department Store, visiblement déjà payé mais oublié. Ils remportent un
franc succès, surtout auprès de l'ex-passager.
Finalement,
nous payons avec une liasse de billets de 20 000 tugriks, que le driver
recompte soigneusement et rapidement, à la façon des mongols habitués à
manipuler des billets.
Quelqu'un
veut monter dans la jeep ! Je le repousse énergiquement en criant "No, no
!", alors il monte devant. Marine se précipite sur mes genoux. Je
m'aperçois qu'il s'agit du type qui est là depuis le début. Zut, on croyait
qu'il allait nous lâcher.
Les hommes trifouillent la
voiture, et nous repartons.
Nous
sortons d'Ulaan Baatar… et nous arrêtons encore. Le passager descend et nous
ouvre la portière. Nous sommes devant un petit supermarché. Peut-être y'a-t-il
des toilettes ? Marine et moi n'y tenons plus… Nous interrogeons le driver, qui
nous fait non de la tête et nous fait signe d'aller derrière le bâtiment. Soit.
Nous partons en courant, nous donnant la main comme le font les mongole, et
hurlons quand nos pieds rencontrent une flaque glacée qui nous éclabousse.
C'est drôle. Nous nous retrouvons toues les cinq derrière le supermarché, et
c'est la première fois que nous faisons pipi à cinq en même temps. Nous sommes
beaucoup moins pudiques en Mongolie.
Nous
revenons vers le driver, qui nous dit d'aller faire nos courses dans le
supermarché. Ah bon ? Mais est-ce qu'on doit acheter un repas pour ce soir ?
Dans le doute, nous prenons un saucisson, des pringles (il y a des pringles !)
et des chocapics de marque Belle France (c'est fou !).
Cette
fois-ci c'est bon, nous sommes parties. A priori, le passager restera en tant
que copilote.